Deux siècles pour amener la France et la Russie à 1812
Au moment où commence la campagne de Russie, la carte de l’Europe apparaît profondément modifiée non seulement d’un point de vue territorial, mais aussi en considérant l’évolution des concepts qui sous-tendent cette organisation. D’un côté, l’extension de l’empire napoléonien et la simplification des divisions de l’Allemagne contribuent à mettre en place des puissances de première importance et, de l’autre, le développement du sentiment national apporte aux forces militaires renouvelées de la Prusse — sous Frédéric le Grand — et de la France — sous la Révolution et l’Empire — une base populaire s’appuyant sur un début d’opinion publique.
Une véritable mystique nationale est en train de se créer des deux côtés du Rhin, parfois de façon embryonnaire mais qui s’élargit sans cesse. Cela va se retrouver dans d’autres régions, que ce soit dans les îles Britanniques, la péninsule ibérique, la nébuleuse italienne, les possessions des Habsbourg et même le conglomérat ottoman, où commencent à s’agiter Serbes, Monténégrins, Grecs et Roumains. À l’autre extrémité du continent, la Russie connaît un phénomène semblable, mais avec des caractéristiques et des manifestations originales dues à une histoire plus récente et à sa poussée vers l’est et le sud.
Sanctuarisation et frontières
La France de 1812 recherche depuis deux cents ans sa sanctuarisation. Selon l’étymologie, il s’agit de pouvoir définir un espace assuré de sa garantie et de sa sauvegarde, avec des frontières enfin intangibles. De ce côté, le pays peut se sentir en retard par rapport au Royaume-Uni, géographiquement défini par son insularité et politiquement stable depuis l’inclusion plus ou moins forcée du Pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande, même si la dynastie hanovrienne ne s’est que très lentement nationalisée.
La référence aux frontières naturelles, devenue un véritable slogan pendant la Révolution, exprime une nouvelle réalité territoriale et juridique. Sous l’empire romain, on parlait de « limes », c’est-à-dire d’une sorte de frange quelque peu instable entre le monde soumis à l’« imperium romanum » et les territoires des « Barbares ». Le système féodal du Moyen Âge a finalement repris ce concept, certains grands seigneurs en recevant la responsabilité sous l’appellation de « comtes de la marche » — markgraf en allemand [d’où la forme francisée de margrave] et marquis en français.
À l’époque moderne, apparaît la notion de « frontière », qui présente sur la « marche » l’avantage d’une délimitation par des bornes : la réalité encore floue du XIVe siècle — un point de fixation qui fait front à l’ennemi — se précise à partir du XVIe. Ce n’est pas un hasard si le mot prend tout son sens avec l’apparition du modèle westphalien, issu des traités de Westphalie qui, en 1648, donnent à la France les Trois-Évêchés — Metz, Toul et Verdun —, la Haute-Alsace et Brisach, ainsi que Pignerol, dans le Piémont. Surtout, ils définissent les limites du pays avec d’autant plus de précision que les progrès de la cartographie permettent de dessiner non plus seulement des points de repère, mais des lignes continues ; c’est dans cet esprit que la Révolution unifiera territorialement la France, notamment en supprimant enclaves et exclaves comme Avignon, le Comtat Venaissin et Valréas pour le pape ou les possessions en Alsace et en Lorraine de princes allemands.
Le pays le plus puissant
La configuration du pays autour de lignes matérielles se concrétise par les constructions de Vauban : entre 1667 et 1707, des travaux gigantesques permettent l’édification de fortifications autour de villes et de ports. L’ingénieur militaire apparaît donc comme l’artisan de la sanctuarisation des frontières destinées à protéger le « pré carré » français, terme à l’origine limité à la frontière avec les Pays-Bas espagnols, d’où la mise sur pied de places de première ligne — Dunkerque, Bergues, Furnes, Ypres, Menin, Lille, Tournai, Condé-sur-l’Escaut, Valenciennes, Le Quesnoy, Maubeuge, Philippeville, Dinant et Givet-fort de Charlemont — et de places de seconde ligne — Gravelines, Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys, Saint-Venant, Béthune, Arras, Douai, Bouchain, Cambrai, Landrecies, Avesnes-sur-Helpe, Mariembourg, Rocroi et Mézières.
Plus généralement, la couronne de citadelles de Vauban touche les montagnes, les plaines et la mer, évitant les lignes de communication trop longues. Il dote la France d’un glacis — la « ceinture de fer » — que les progrès de l’artillerie ne démoderont qu’à la fin du XVIIIe siècle. Ce système de dissuasion aura assuré 70 ans de paix à la France, doublé d’un ensemble d’alliances visant avant tout à se prémunir contre le Saint Empire romain germanique, dont les divisions sont constamment entretenues et encouragées, par exemple à travers le soutien accordé aux princes protestants ; en même temps, de bonnes relations sont entretenues avec l’empire ottoman, bien qu’ambigües en raison de la différence religieuse. De toute façon, en tant que pays le plus peuplé d’Europe — même par rapport à la Russie — avec une population dépassant les 20 millions d’habitants, la France peut aligner des forces numériquement supérieures à celles de ses adversaires. Toutefois, dès la fin de la guerre de Succession d’Espagne en 1714, comme les autres grands États, elle se lance dans un processus de désarmement : l’armée de terre passe de 357 000 hommes en 1710 à 132 000 en 1716 alors que la milice est supprimée.
Un siècle plus tard, sous Napoléon et après les guerres commencées sous la Révolution, la France reste une très grande puissance, symbolisée par la Grande Armée, qui est recréée à la fin de 1811 et qui, au moment de la campagne de Russie, va comprendre 600 000 hommes — dont plus de la moitié de non-Français. Certes, ses efforts pour transformer la marine en une arme puissante ont été réduits à néant aux batailles d’Aboukir en 1798 et de Trafalgar en 1805 — même si un vaste programme d’équipement a été lancé. La domination britannique sur les mers du globe pourra ainsi durer jusqu’à la Première Guerre mondiale. En fait, le blocus continental défavorise non seulement les alliés de Napoléon, mais la France elle-même. C’est dans ce contexte que la Russie va jouer un rôle qui correspond à sa montée en puissance sur la carte de l’Europe depuis deux siècles.
Asiatique ou européenne ?
Il apparaît fort intéressant de voir comment, du point de vue des frontières, la Russie est considérée au même moment. La vision européenne classique, d’ailleurs acceptée par les cartographes russes, montre au départ une Moscovie presque entièrement asiatique, sauf la partie située à l’ouest du Don. Cela rejoint la perception populaire selon laquelle il s’agit d’un pays incontestablement non européen. Au XVIIIe siècle, on commence à envisager quelque chose de plus original, à mi-chemin entre les pays civilisés de type européen et le mythique « despotisme asiatique », mais sans arriver à bien le placer ; c’est ainsi que l’Atlas universel de Gilles Robert et de son fils Didier Robert de Vaugondy, « géographe ordinaire » du roi de Pologne Stanislas Leszczynski, place dans son introduction la Russie à côté de la Suède et de la Norvège, mais que son développement l’inclut dans le chapitre sur l’Asie et que les cartes la Russie occidentale et la Russie orientale sont réunies sous le titre de Russie d’Asie dans la partie consacrée à l’Asie. En revanche, l’abbé Nicolas Lenglet du Fresnoy, dans sa Méthode pour étudier la géographie parue pour la première fois en 1716, souligne l’importance de l’Oural qui, en séparant la Russie de la Sibérie, doit constituer la limite entre Asie et Europe.
Cette approche est reprise en Russie, ainsi que par des spécialistes connaissant les lieux : la Description historique de l’empire russien de Philipp Johann Tabbert von Strahlenberg, un officier suédois retenu treize ans comme prisonnier en Sibérie occidentale après la défaite de Poltava, pose que les limites entre les continents s’imposent par la géographie : « la nature semble elle-même les avoir établies par les chaînes des montagnes ». Il pense qu’il faut partager l’empire, en fonction de son histoire, « en Russie proprement dite et en pays conquis ». Par conséquent, la « Russie proprement dite » se trouve en Europe, tandis que le « pays conquis » ressort de l’Asie.
Toutefois, le problème demeure difficile à résoudre. C’est ce que reconnaît, par exemple en 1761 dans son Voyage en Sibérie, l’abbé Jean-Baptiste Chappe d’Auteroche : « les limites de l’Asie et de l’Europe […] sont encore incertaines dans quelques endroits ; on peut cependant les tracer naturellement par les fleuves et les rivières qui bordent les chaînes de montagnes », tout en tenant compte de l’histoire de la Russie. Cette imprécision va demeurer jusqu’au début du XIXe siècle.
Le premier tsar
La Russie du début du XIXe siècle aspire à mieux se définir, d’abord sur le pan géopolitique et même simplement territorial, mais aussi par rapport à elle-même et à son environnement. L’ancien grand-duché de Moscovie, de surcroît siège de la troisième Rome, est devenu un État transcontinental et même, par certains côtés, plurireligieux qui raisonne aussi bien en fonction du Pacifique que de la Méditerranée tout en se demandant s’il ne risque pas de perdre son âme en s’occidentalisant. C’est également une puissance économique qui exporte ses grains et ses fourrures et qui importe des soieries et des vins en même temps qu’elle développe un artisanat prêt à se transformer en industrie : autrement dit, à la fois un partenaire et un concurrent.
L’histoire moderne de la Russie a commencé avec Ivan IV Vassiliévitch [Иван IV Васильевич], dit Ivan le Terrible [Иван Грозный], né le 25 août 1530 à Kolomenskoïe et mort le 18 mars 1584 à Moscou. Après avoir été grand-prince de Vladimir et Moscou de 1533 à 1584, il prend, le premier, le titre de tsar de Russie en 1547 — il faudra attendre 1721 pour que Pierre le Grand devienne officiellement « empereur de toutes les Russies ». Son règne va se poursuivre par le Temps des troubles (1598-1613) qui commence par la fin de la dynastie riourikide aux commandes — à Kiev puis à Moscou — depuis 862, avec la mort du tsar Fédor Ier, lorsque le beau-frère de ce dernier, Boris Godounov, un prince d’ascendance tatare, prend le pouvoir ; cette période troublée s’achève par le couronnement de Michel III, neveu par alliance d’Ivan IV et fondateur de la dynastie des Romanov en 1613, laquelle va gouverner le pays pendant trois siècles.
Le 16 janvier 1547 dans la cathédrale de la Dormition à Moscou, Ivan est sacré tsar [César], reprenant ainsi un terme utilisé par les khans mongols de la Horde d’Or. Puis il cherche une épouse non à l’étranger, mais au sein de ses États, s’unissant le mois suivant à Anastasia Romanovna Zakharina [Анастасия Романовна Захарьина], fille d’une famille de boyards qui faisaient partie des cercles les plus
proches du souverain. Il se voit investi d’une mission divine, même si son investiture n’est consacrée qu’en 1561 par le patriarche grec Joasaph II de Constantinople — le Magnifique [Μεγαλοπρεπής] —, qui le reconnaît ainsi comme successeur des empereurs byzantins disparus un siècle plus tôt ; cela va d’ailleurs entraîner la déposition du prélat par un synode. Ainsi, avec lui, la Russie reprend le flambeau de l’empire romain et de la chrétienté, puisque, en 1589, est créé le patriarcat de Moscou, dorénavant indépendant de celui de Constantinople ; quand il sera remplacé en 1721 par le Saint-Synode, à la tête duquel se trouvera un fonctionnaire d’État civil, le procureur général, cela n’altérera pas l’impact très fort de l’orthodoxie sur l’âme russe — pas plus que le schisme des Vieux-Croyants [raskolniki, c’est-à-dire hérétiques] à la fin du XVIIe siècle.
A l’intérieur et à l’extérieur
Ce fort sentiment religieux aura développé en Russie tout un courant messianique qui va considérer que ce pays a pour vocation d’assurer le salut des autres nations et auquel Alexandre Ier ne sera pas étranger. Il se confond souvent avec la vision slavophile qui veut mettre en avant le caractère propre de cette nation, notamment en se tenant à l’écart d’une trop grande occidentalisation — pourtant menée par des souverains comme Pierre Ier le Grand (1682-1725) et Catherine II la Grande (1762-1796). On le trouve très bien exprimé au début de Guerre et Paix, lorsque Tolstoï fait dire à l’un de ses personnages :
« La Russie doit seule sauver l’Europe. […] Notre bon et merveilleux empereur a le rôle le plus noble à jouer dans le monde, et il est si vertueux et si admirable que Dieu ne l’abandonnera pas et qu’il remplira sa mission, celle d’écraser l’hydre de la révolution, encore plus terrible aujourd’hui dans la personne de cet assassin et de ce scélérat. Nous devons seuls racheter le sang du juste. […] Je ne crois qu’en Dieu et en la haute destinée de notre cher empereur. Il sauvera l’Europe ! »
On peut comprendre que, durant le siège de Leningrad, Staline fera envoyer 100 000 exemplaires de Guerre et Paix pour soutenir le moral de la population, l’« assassin » et le « scélérat » n’ayant fait que changer d’identité, de Napoléon à Hitler.
Les premières années d’Ivan le Terrible sont consacrées à une modernisation de la Russie, en s’appuyant davantage sur les petites gens que sur les boyards. Il établit un code de lois en 1550, réorganise le clergé en 1551 en le soumettant à l’État, et crée les streltsy, un corps d’infanterie armé d’arquebuses constituant sa garde personnelle. En 1549, il met en place la première réunion du zemski sobor [земский собор], l’« assemblée de la terre », le premier parlement russe, composé de nobles consulté lors des grandes décisions ; en outre, un nouveau code de lois et les diplômes royaux permettent d’élargir aux représentants des paysans la procédure judiciaire et la gestion locale. Il y a donc là les bases d’un État moderne du même type que ceux d’Occident.
La Russie apparaît aussi très nettement sur la scène extérieure. Ne supportant pas les menées des Suédois, des Polonais et des Tatars, il lance contre eux des campagnes militaires. Certains historiens considèrent que, pour la première fois, le pays passe d’une stratégie défensive à une pratique offensive, de surcroît à l’égard d’une religion fondamentalement différente, en l’occurrence l’islam, alors que, jusqu’à présent, il y a avait eu des accords et des alliances, comme à l’époque d’Alexandre Nevski. Ivan le Terrible annexe ainsi notamment les khanats de Kazan — d’où plusieurs cathédrales et églises portant le nom de Notre-Dame de Kazan — et d’Astrakhan en 1552 et 1556, se donnant un accès à la Volga, tandis que son général Yermak, en 1581-1585, atteint l’Oural, puis la Sibérie. Inaugurant une politique commerciale et diplomatique promise à une longue vie, il ouvre aux Anglais la mer Blanche et le port d’Arkhangelsk. En revanche, la guerre menée du côté de la Livonie [correspondant aux trois États baltes d’aujourd’hui], après lui avoir assuré un débouché sur la mer Baltique, se termine en 1583 par une défaite contre une coalition réunissant la Pologne, la Suède, la Lituanie et les chevaliers teutoniques.
A la turque ou à l’allemande ?
Toutefois, il existait une vision moins avantageuse du pays, qui contribuait d’ailleurs à donner de lui des caractéristiques jugées plus asiatiques. Envoyé en Russie en 1588 par la reine d’Angleterre Elizabeth Ière en qualité d’ambassadeur auprès du tsar Fédor Ier, fils d’Ivan IV, le poète Giles Fletcher l’Ancien (1548-1611) décrit le régime politique du pays d’une manière qui fera date si on en juge par les rééditions ultérieures :
« Le gouvernement est à peu près à la turque. Les Russes semblent imiter les Turcs autant que le permettent et la nature du pays et leur capacité politique. Ce gouvernement est une tyrannie pure et simple car il subordonne toutes choses à l’intérêt du prince et cela de la manière la plus barbare et la plus ouverte. On pourra en juger d’après les maximes du gouvernement russe […], de même que par l’abaissement de la noblesse et du peuple, qui ne peuvent faire contrepoids au pouvoir, et aussi par les impôts et exactions qui vont jusqu’à l’excès et frappent sans distinction la noblesse et le peuple. » (Of the Russe Common Wealth. Or, Maner of governement of the Russe emperour (commonly called the Emperour of Moskovia) with the manners, and fashions of the people of that countrey).
On peut rapprocher ce jugement de celui exprimé par Mme de Staël dans De la Russie et des Royaumes du Nord, pour laquelle ce pays constituait un « despotisme tempéré par la strangulation » ; ce propos, peut-être repris par Tourgueniev, sera en tout cas utilisé par le diplomate-historien Édouard Bignon (1771-1841) lorsque, en 1830, il écrira que « l’autocratie russe est la monarchie absolue, tempérée par l’assassinat », puis par divers historiens comme le comte de Saint-Aulaire dans sa biographie de Talleyrand parue en 1936. On ne peut effectivement oublier que, en 1762 Pierre III et en 1801 son fils Paul Ier, réputé pro-français à la fin de sa vie, sont morts de cette façon, sans oublier en 1605 Fédor II. Le valet de chambre de Napoléon, Constant, écrira aussi que « le poignard vidait ordinairement toutes les querelles d’intérieur ».
Au niveau de la politique intérieure, on peut noter que, généralement d’origine allemande, les souverains russes du XVIIIe siècle se montrent très influencés par le modèle luthérien existant en Suède, en Prusse ou au Danemark ; là, le roi est considéré comme le « summus episcopus [évêque suprême] » d’une Église où les évêques tiennent leurs pouvoirs seulement de lui, hors même de la succession apostolique commune aux catholiques et aux orthodoxes. Ainsi, dans leur quête d’occidentalisation, tsars et tsarines ne reproduisent en fait pas le système byzantin, au contraire avant tout soucieux de limiter le pouvoir de l’Église et de l’instrumentaliser dans le cadre de leur despotisme éclairé, ce qui explique la suppression du patriarcat en 1721.
Après Pierre le Grand — l’empereur qui, en 1717, signa les lettres de créance du premier ambassadeur en France — et sa longue guerre avec la Suède qui lui a donné un accès à la Baltique, Catherine II — l’impératrice qui entretenait des relations avec d’Alembert, Diderot et Voltaire — achève la conquête des steppes situées au bord de la mer Noire après avoir défait l’Empire ottoman et le khanat de Crimée tout en repoussant à l’ouest les frontières grâce au partage de la Pologne. La région du détroit de Béring et l’Alaska sont explorés dans les années 1740. Ayant subi des défaites coûteuses contre Napoléon en 1805-1807, Alexandre Ier conclut le traité de Tilsitt, qui lui permet d’attaquer la Suède et d’annexer la Finlande. En même temps, tandis que la Géorgie est grignotée par petits morceaux entre 1783 et 1810 — le roi Salomon II a vainement fait appel à Napoléon —, il poursuit son expansion dans le Caucase et vers les bouches du Danube, au détriment des empires perse et ottoman : la partie orientale de la Moldavie ottomane est rattachée en 1812 pour former la Bessarabie ; l’Arménie, le Daghestan et une partie de l’Azerbaïdjan sont annexés en 1813 au terme d’un conflit de quatre ans avec l’empire perse.
En revanche, comme on vient de le voir, l’époque ne connaît pas du tout de confrontation avec Londres. Celle-ci interviendra au XIXe siècle lors des visées vers l’Asie centrale et l’Inde à travers l’Afghanistan — menaçant directement l’empire britannique des Indes — et aussi vers Constantinople — qui ouvre l’accès à la Méditerranée que les Anglais entendent bien contrôler. La guerre de Crimée manifestera la nouvelle donne : le gouvernement de la reine Victoria s’unira à celui du neveu de Napoléon Ier pour secourir l’empire ottoman afin qu’il ne laisse pas passer les Russes au-delà des Dardanelles. Néanmoins, cet État apparaît incontestablement comme très fort, puisque, comme l’explique au début du XIXe siècle le Nouveau Dictionnaire géographique, il domine « une partie de l’Europe et près d’un tiers de l’Asie » et qu’y règne « un véritable despote, maître de la vie et des propriétés de ses sujets ».
De Sully à Napoléon
Au siècle où les Romanov s’installent en Russie et que celle-ci devient une puissance qui compte, il faut tout de même observer son absence dans le projet d’Henri IV révélé ultérieurement par Sully, le fameux « Grand Dessein ». En effet, en association avec Elizabeth Ière d’Angleterre, le souverain français aurait imaginé une confédération de pays présidée par un empereur élu, dans laquelle auraient été rationalisées les frontières intérieures de l’Europe, avec une division des plus grands et un regroupement des plus petits. Les deux premiers tomes sont publiés, clandestinement au château de Sully, en 1638 sous le titre Mémoires des sages et royales oeconomies d’État, domestiques, politiques et militaires de Henry le Grand, l’exemplaire des Rois, le prince des vertus, des armes et des loix, et le père en effet de ses peuples francais, et des servitudes des utiles, obéissances convenables et administrations loyales, de Maximilien de Béthune, l’un des confidents, familiers et utiles soldats et serviteurs du Grand Mars des François, dédiez à la France, à tous les bons soldats et tous les peuples françois. Les deux suivants paraissent de façon posthume en 1662 chez Jean Le Laboreur avec l’intitulé Mémoires ou Oeconomies royales d’Estat, domestiques, politiques et militaires de Henry le Grand, par Maximilien de Béthune, duc de Sully.
Sully proposait de redessiner la carte de l’Europe — à l’exclusion, donc, de la Moscovie — autour de quinze pôles. Il y aurait d’abord six royaumes héréditaires : France, Espagne, Grande-Bretagne, Danemark, Suède et Lombardie — Savoie, Piémont, Montferrat et Milan — ; puis six monarchies électives — Papauté, Venise, Empire, Pologne, Hongrie, Bohême — et trois républiques fédératives — helvétienne, italienne et belge. Réduits à une égalité de territoire et de richesse, ils favoriseraient l’équilibre religieux entre catholiques, luthériens et calvinistes jouissant de l’exercice libre et public du culte. Tous formeraient une confédération dirigée par six conseils particuliers et un Conseil commun qui réglerait les différends entre chaque souverain et ses sujets et ceux des États entre eux. Cette Europe des Quinze désormais pacifiée devrait unir ses forces pour chasser les Turcs d’Europe et, dans la vieille logique française, réduire la puissance du Saint Empire romain germanique et celle des Habsbourg.
Pour en revenir au moment où éclate la conflagration de 1812, la France et la Russie peuvent être définies comme les deux puissances montantes de l’Europe ; là réside sans doute la raison majeure de la volonté de Napoléon de s’entendre avec Alexandre.
D’ailleurs, ce n’est certainement pas un hasard si l’un et l’autre pays vont être arrêtés dans leurs marches en avant : la France en 1815 et 1871, la Russie en 1856 et 1917 — pour ne rien dire de 1990. Pendant ce temps, d’autres États vont s’affaiblir, comme le Portugal, l’Espagne, l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, tandis qu’une dernière catégorie concernera les pays émergents, de la Belgique à l’Italie, de l’Irlande à la Pologne. 1812 apparaît donc comme un moment-clé de l’histoire européenne, là où deux nations ayant chacune très conscience d’elle-même ne peuvent faire autrement que s’affronter, dans la logique de leur développement historique.
D’une certaine manière, Napoléon s’y est résigné dès la fin de 1810 : « J’aurai la guerre avec la Russie pour des raisons auxquelles la volonté humaine est étrangère car elle dérive de la nature des choses ». D’ailleurs, dès le 6 octobre de cette année, il envisage l’organisation de la Grande Armée. La finalisation des préparatifs s’opère au début de 1812, Berthier devenant major général le 1er février. Ce mois-ci, tout se met en place et les hommes reçoivent leurs affectations, ainsi que le décrit le capitaine Jean Eymard, ingénieur-géographe du service topographique :
« La Grande Armée était en train de se former. Elle comprenait des soldats de toutes nationalités et de toutes les armes. Il fallait que tout soit bien organisé. Notre équipe reçut une voiture topographique pour le transport de nos instruments et documents de toutes sortes. Le corps des pontonniers, celui des maréchaux-ferrants recevaient leurs provisions de fer et de clous. Les pompiers qui faisaient partie de l’expédition rassemblaient leur matériel. Nous avançons lentement à travers l’Allemagne. »
Sacrifiés
En fait, la grande crainte de l’Empereur réside dans la possibilité d’une entente entre Saint-Pétersbourg et Londres : comme l’écrit le ministre des Relations extérieures Champagny à l’ambassadeur Caulaincourt le 30 juillet 1810, « il ferait la guerre sur-le-champ si la Russie se rapprochait de l’Angleterre ». Or, sur le plan économique, la Russie souffre énormément du blocus continental — particulièrement du manque de produits manufacturés et coloniaux. Cela amène le décret du 31 décembre 1810 taxant désormais lourdement les dentelles, parfums, soieries et autres objets de luxe français.
Pourtant, Napoléon n’a cessé de se montrer prévenant à l’égard d’Alexandre. Cet attrait avait commencé au lendemain d’Austerlitz, lorsqu’il avait renoncé à poursuivre les armées russes, après leur avoir dépêché la cavalerie de Murat, et qu’il les avait laissé repartir ; il dira même à Las Cases : « J’ai laissé la liberté à Alexandre, que je pouvais faire mon prisonnier ».
Ensuite, il lui abandonnera tout, comme Jacques Bainville l’écrira en 1931 :
« À l’alliance russe, Napoléon avait sacrifié la Suède, la Turquie, la Pologne, anciennes amies de la France. Alexandre y avait gagné la Finlande, les provinces moldo-valaques et l’engagement que l’indépendance polonaise ne serait pas rétablie. »
Cette dernière appréciation n’est pas sans rappeler celle même de l’empereur des Français qui, le 4 décembre 1809 devant le Corps législatif, cherchait sans doute à se convaincre en affirmant :
« Mon allié et ami, l’empereur de Russie, a réuni à son vaste empire la Finlande, la Moldavie, la Valachie et un district de la Galicie. Je ne suis jaloux de rien de ce qui peut de bien arriver à cet empire ; mes sentiments pour son illustre souverain sont d’accord avec ma politique. »
Jusqu’en Inde
Les termes vont changer et il est intéressant de connaître les opinions ultérieures et mitigées de Napoléon sur la Russie et Alexandre, telles que rapportées par Caulaincourt lors des treize jours qu’il passe en tête-à-tête avec l’empereur des Français rentrant précipitamment à Paris :
– « Les Russes doivent paraître un fléau à tous les peuples […] ; la guerre contre la Russie est une guerre toute dans l’intérêt bien calculé de la vieille Europe et de la civilisation. » (sur la route de Smogorni à Varsovie, 5 décembre 1812) ;
– « L’Empereur fit la réflexion que l’empereur Alexandre […] avait plus fait dans l’intérêt de la Russie que l’ambitieuse Catherine […] et que la Finlande était d’une bien autre importance […] que la Crimée sans habitants et toutes les conquêtes de Catherine sur les Turcs » (sur la route de Smogorni à Varsovie, début décembre 1812) ;
– « À Erfurt, […] il aurait pu obtenir bien plus, mais heureusement il n’a calculé que sur l’effet que produirait, en Russie, l’espoir d’avoir la Valachie et la Moldavie. » (sur la route entre Dresde et Leipzig, 14 décembre 1812) — Napoléon ne s’y montre jamais fondamentalement hostile et l’entérine à Erfurt en même temps que l’annexion de la Finlande prise à la Suède.
Revenant en arrière, le souverain rappelle aussi son projet d’une double manœuvre du côté de l’océan Indien, qui aurait ainsi enserré la possession anglaise entre les forces françaises et russes :
« Dans l’espoir d’une expédition dans l’Inde ou, au moins, d’une grande démonstration, il s’était aussi occupé d’en faire en même temps une par mer et peut-être même indépendamment de celle par terre, à laquelle il aurait pu joindre un fort contingent, si on avait pu persuader aux Russes de laisser pénétrer un corps français chez eux […]. Il aurait dirigé son expédition sur Surate [loge française vestige de l’ancien empire]. […] Il l’aurait composée de 30 000 hommes. L’expédition n’aurait relâché qu’à l’île de France [Maurice], pour y faire des vivres, y prendre de l’eau et y déposer ses malades. On les aurait remplacés par 2 ou 3 000 Nègres qu’on aurait payés, argent comptant, aux colons. » (sur la route de Varsovie à Kutno, 11-12 décembre 1812).
Beaucoup plus tard, à Sainte-Hélène, il insistera enfin sur les limites qu’il voulait imposer aux visées russes sur Constantinople :
« Cette capitale était le grand embarras, la vraie pierre d’achoppement. La Russie la voulait ; je ne devais pas l’accorder : c’est une clef trop précieuse ; elle vaut à elle seule un empire ; celui qui la possédera peut gouverner le monde. »
Espoirs et illusions
Pourtant, cette idée a été agitée dès novembre 1807, comme l’explique déjà Champagny à Caulaincourt avant son arrivée à Saint-Pétersbourg : « La terreur semée dans les Indes anglaises répandrait la confusion à Londres, et certainement quarante mille Français auxquels la Porte aurait accordé le passage par Constantinople se joignant à quarante mille Russes venus par le Caucase suffiraient pour épouvanter l’Asie et pour en faire la conquête. »
Au printemps 1808, Napoléon est même allé jusqu’à dévoiler son projet à Alexandre :
« Une armée de 50 000 hommes, russe, française, peut-être même un peu autrichienne, qui se dirigerait par Constantinople sur l’Asie, ne serait pas arrivée sur l’Euphrate qu’elle ferait trembler l’Angleterre et la mettrait aux genoux du continent. »
En même temps, dans un courrier à son ambassadeur à Saint-Pétersbourg, il demande l’ouverture de négociations sur le partage de l’empire ottoman. Alexandre en profite alors pour réclamer Constantinople et les Dardanelles, laissant à la France la partie occidentale des Balkans, l’Albanie, une portion de la Grèce et peut-être la Syrie et l’Égypte. Cela va entraîner la rencontre d’Erfurt, du 27 septembre au 14 octobre 1808, où la question de Constantinople est prudemment laissée de côté.
Pendant longtemps, du côté français, on s’est bercé de la certitude que le gouvernement de Saint-Pétersbourg restait très opposé à celui de Londres, notamment parce que, à Tilsit en juin 1807, Alexandre aurait dit à Napoléon : « Je hais les Anglais autant que vous ». Persistant dans cette manière de voir, l’empereur des Français, juste avant de quitter Dresde en mai 1812 pour passer la frontière, expose à Berthier : « Je n’en veux nullement à Alexandre ; ce n’est point à la Russie que je fais la guerre […] ; je n’ai qu’une ennemie, c’est l’Angleterre ; c’est elle que je veux atteindre en Russie ».
Manque de réalisme
En fait, le réalisme se trouvera davantage chez un fidèle serviteur de Napoléon, le général-comte Philippe de Ségur, le fils d’un ambassadeur que Catherine II appréciait beaucoup — et dont le neveu Eugène épousera la fille du gouverneur Rostopchine, la fameuse comtesse de Ségur. Il dressera avec justesse le tableau géopolitique issu du traité de Tilsit conclu en juin 1807 :
« Par ses concessions à Tilsitt, aux dépens de la Prusse, de la Suède et de la Turquie, Napoléon n’avait gagné qu’Alexandre. Ce traité était le résultat de la défaite de la Russie, et la date de sa soumission au système continental. Il attaquait, chez les Russes, l’honneur, compris par quelques-uns, et l’intérêt, que tous comprennent.
« […] La Russie est maîtresse des hauteurs de l’Europe […]. Son gouvernement ne peut que difficilement être acculé et forcé à composer, dans un espace presque imaginaire, dont la conquête exigerait de longues campagnes, auxquelles son climat s’oppose. Il en résulte que, sans le concours de la Turquie et de la Suède, la Russie est moins attaquable. »
D’ailleurs, l’ambassadeur Louis-Philippe de Ségur, devenu grand-maître des cérémonies de Napoléon, aura également mis en garde l’Empereur, attirant notamment son attention sur l’étirement des communications et sur la farouche volonté des Russes de défendre leur territoire national.
Comment ne pas noter aussi qu’un esprit vif et clairvoyant comme le général Antoine-Henri de Jomini (1779-1869), 3e aide-major de Berthier, s’exclame au début de 1812 devant les préparatifs de la campagne de Russie : « Ne pas poursuivre serait bien plus intelligent » ? On ne peut d’ailleurs oublier ce qui s’était passé à l’époque de Charles XII (1697-1718) : le roi de Suède, en 1709, avait lui aussi tenté de remonter jusqu’à Moscou mais, victime de la politique de la terre brûlée et des rigueurs de l’hiver, il avait dû battre en retraite — jusque dans l’empire ottoman. La Grande Guerre du Nord annonçait ainsi les deux guerres patriotiques d’Alexandre et de Staline.
Quant à l’impression retirée au niveau des peuples engagés dans cette confrontation, on reprendra le propos ambivalent d’un membre du Petit Conseil du canton de Vaud évoquant des « événements remarquables à la vérité par les faits héroïques de nos compatriotes mais déplorables en même temps par des désastres que l’on voudrait pouvoir oublier »… En revanche, les Russes ne tomberont pas dans la même francophobie que les Allemands et le vieux Koutouzov lui-même, qui meurt en 1813, continuera à penser que son pays se trouvait davantage fait pour s’entendre avec la France qu’avec l’Autriche ou la Prusse.
En conclusion, il apparaît assez significatif de lire, sous la plume d’un opposant de toujours à l’Empire, le baron de Frénilly, ces considérations géopolitiques qui situent l’action de Napoléon dans l’espace historique et géographique :
« Il avait ainsi accompli la plus importante conquête des siècles modernes, rejeté la Russie dans ses anciennes limites, acquis le droit et la puissance de reconstituer derrière son innombrable armée cette Pologne alors ivre de joie et de dévouement, de faire de cette alliée naturelle et nécessaire de la France une forteresse avancée qui servirait de rempart contre la Russie et de garantie contre l’empire germanique ».
Jean Étèvenaux
Sources et bibliographie :
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