Les Invalides

Au XVIème siècle, l’importance croissante des effectifs engagés dans les conflits, la fréquence, la durée de ces conflits, et l’utilisation massive des armes à feu, multiplient le nombre des « estropiez ».  Jusqu’alors, leur accueil se faisait dans les Hôpitaux de Charité ou comme religieux laïcs dans les abbayes et prieurés. Mais, ces établissements se révèlent très vite insuffisants et inadaptés. La création d’établissements royaux réservés à leur prise en charge devient donc indispensable. Diverses solutions furent proposées mais restèrent inefficaces faute de moyens financiers suffisants:

  • En 1554 par  HENRI  II  qui y affecta l’Hôpital de Saint-Jacques du Haut-Pas à Paris.
  • Dès 1597 par  HENRI  IV  avec la maison des charités chrétiennes.
  • En 1634 par  LOUIS  XIII   qui fondait la Commanderie de Saint-Louis et y affectait le château de Bicêtre.

C’est  LOUIS  XIV  (1638 – 1715) qui règlera définitivement le sort de ces invalides en achetant un terrain sur sa cassette personnelle pour y faire construire « un hostel royal pour y loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caduques. ».

Par les 2 ordonnances du 24 février et du 15 avril 1670, il décide la création de  « L’Hôtel Royal des Invalides »  « pour améliorer la condition des soldats invalides, trop vieux, trop malades ou trop gravement blessés pour continuer le métier des armes ».

Dans son édit, il estimait en effet « qu’il était bien raisonnable que ceux qui ont exposé librement leur vie et prodigué leur sang pour la défense et le soutien de notre Monarchie jouissent du repos qu’ils ont assuré à nos autres sujets et passent le reste de leur jours en tranquillité. »

Pour son implantation, c’est la plaine de Grenelle qui est choisie,  car c’est un lieu vaste, inoccupé et plat, situé aux portes de Paris et proche de la Seine donc facile à approvisionner. Les travaux commencent en 1671 sous la direction de l’architecte Libéral Bruant (1635 – 1697). L’Edit de fondation et l’accueil des premiers pensionnaires datent d’octobre 1674. C’est le Roi Louis XIV en personne qui accueille les premiers pensionnaires. Le règlement fixant les conditions d’admission est établi en 1676.
Plus tard, la construction de l’église du Dôme sera confiée à Jules Hardouin-Mansard (1646 – 1708). Elle sera achevée en 1690. Sa décoration intérieure ne sera terminée que pour l’inauguration le 28 août 1706.

Le premier Gouverneur de l’établissement sera François Lemaçon d’Ormoy qui occupera ce poste de 1675 à 1678.

Sous l’ancien régime, la vocation de l’Hôtel Royal des Invalides est à la fois militaire, sociale, religieuse, médicale et manufacturière :

Militaire et sociale ; car c’est une caserne et un hospice destinés à donner aux militaires invalides un logement spécifique et à héberger les officiers âgés et dépourvus de ressources.

Initialement prévu pour accueillir 1 500 à 2 000 pensionnaires, ils seront plus de 4 000 en 1714. Aussi, dès 1690 sont créées, par Louvois (1641 – 1691), des compagnies d’invalides détachées dans les places frontières du nord et le l’est. Les conditions d’entrée aux Invalides en 1701 sont :

  • Incapacité de servir par l’âge ou l’invalidité
  • Examen de l’état physique par un médecin, un chirurgien et un commissaire des guerres.
  • Certificat d’ancienneté de service.

Les frais de fonctionnement de l’établissement sont couverts :

  • Par un prélèvement de 2 deniers par livre sur toutes les dépenses de l’ordinaire et de l’extraordinaire des guerres. Ce prélèvement sera porté à 3 deniers par livre à partir de 1682.
  • Par un versement annuel, par les abbayes et prieurés royaux, de 150 livres par oblat dont ils avaient la charge.
  • Religieuse ; car c’est un couvent et l’encadrement des invalides est religieux : 12 prêtres de la congrégation des missions sont présents en 1675 ; ils seront 20 en 1680.
  • Médicale ; car c’est aussi un hôpital avec une capacité de 300 lits individuels.

Le personnel hospitalier comprend : un médecin, un chirurgien, un apothicaire et 7 garçons-chirurgiens. L’organisation des soins physiques et spirituels des invalides malades est dirigée par les « sœurs grises » ; filles de la charité du faubourg Saint-Lazare, ordre fondé par saint Vincent de Paul (1581 – 1660).

Cet établissement préfigure le premier hôpital moderne où les règles d’hygiène sont rigoureuses et la recherche clinique active.

  • Manufacturière ; car tranquillité n’est pas oisiveté et des tâches nombreuses sont confiées aux pensionnaires. C’est donc un atelier de manufacture dans lequel on fabrique des souliers, des bas, des uniformes, des allumettes, des tapisseries. L’atelier de calligraphie et d’enluminure est particulièrement réputé.

Pendant la Révolution.

En  mai 1793, l’Hôtel National des Invalides devient : La Maison Nationale des Militaires Invalides.
Elle est gérée par :

  • 30 administrateurs militaires élus par les Invalides
  • 6 notables nommés par la Commune


De 1796 à 1803 ; c’est un Commandant qui dirige la Maison Nationale des Militaires Invalides

Pendant le Premier Empire.

En partie délaissés pendant la Révolution, les « Invalides » seront réorganisées par le Premier Consul Bonaparte. Napoléon reprend le grand dessein de Louis XIV, accroît la renommée de l’établissement et choisit l’église du dôme pour la cérémonie de remise des premières Légions d’Honneur. Le titre de Gouverneur est rétabli le 28 août 1803. Tout en conservant ses 5 fonctions initiales, l’Hôtel des Invalides devient aussi, sous l’Empire, le symbole de l’union entre la nation et son armée et le panthéon des gloires militaires.

Y sont scandés par « le canon des invalides », les succès et les grands moments du régime.
Des salves sont ainsi tirées pour annoncer :

  • Les victoires militaires.
  • Les entrées solennelles des souverains.
  • La naissance du Roi de Rome.

Y sont organisées des cérémonies solennelles :

  • Transfert des cendres des grands militaires (Turenne, le 22 septembre 1800 ; Vauban, le 26 mai 1808).
  • Fête de la Concorde le 14 juillet 1800.
  • Célébration de l’anniversaire de la République les 22 et 23 septembre 1800. 
  • Serment des légionnaires et première remise des étoiles de la Légion d’Honneur le 15 juillet 1804.
  • Te deum de l’avènement et anniversaire de Napoléon le 15 août 1804.
  • Remise des trophées pris à l’ennemi lors des campagnes : drapeaux en février et en juillet 1800 ; drapeaux, épée et décorations de Frédéric le Grand (17 mai 1807).

Sous le Dôme, sont accueillis les tombeaux et les sépultures des figures militaires de l’Ancien Régime puis de l’Empire.
Cette fonction de Panthéon des gloires militaires perdurera après la chute de l’Empire, sous Louis-Philippe (1773 – 1850)  et sous Napoléon III (1808 – 1873).

Actuellement ; les 5 fonctions d’origine de l’Hôtel des Invalides n’ont pas complètement disparues :

  • Militaire et Sociale ; puisque c’est un haut lieu du pouvoir d’Etat : lieu de résidence du Gouverneur Militaire de Paris et lieu dans lequel se déroulent bon nombre de cérémonies officielles.
  • Religieuse ; puisque l’église des soldats est devenue cathédrale et est le siège du diocèse aux armées françaises.
  • Médicale ; puisqu’il abrite l’Institution Nationale des Invalides (I.N.I.).
  • Manufacturière ;  avec les ateliers d’entretien et de restauration des collections du  Musée de l’armée.

 

Une nouvelle fonction a été en plus dévolue à l’Hôtel des Invalides ; celle d’abriter les Musées :

  • Musée des plans et reliefs dès 1776-1777
  • Musées de l’artillerie dès 1871-1872
  • Musée historique de l’Armée en 1896
  • Musée de l’Armée depuis 1905

L’Institut National des Invalides

La fonction médicale de l’établissement est actuellement assurée par « l’Institution Nationale des Invalides ». C’est un établissement public à caractère administratif placé sous tutelle de Secrétariat d’Etat aux Anciens Combattants.

C’est le Chef de l’Etat qui est actuellement le « Protecteur » des Invalides. Son représentant auprès des pensionnaires est le Gouverneur des Invalides, nommé par décret sur proposition conjointe des Ministres des Anciens Combattants et Victimes de Guerre et du Ministre des Armées. Depuis 1952, un étendard portant l’inscription « Tous les champs de bataille » est attribué à l’Institution. Cet étendard reçoit les mêmes honneurs que les drapeaux et étendards des corps de troupe. Sa garde est constituée de pensionnaires de l’I.N.I., militaires et titulaires de décorations. Ils sont désignés par le Gouverneur

L’Institut National des Invalides comprend :

  • Un Centre des pensionnaires :

Il comprend 91 lits en chambres individuelles aménagées selon le handicap de chacun. Les conditions d’admission sont un taux d’Invalidité minimum de 85%.
+ l’article L36 : blessure de guerre.
+ l’article L37 : blessure en service.

La prise en charge est faite par l’Etat contre redevance de 30% du montant de la pension.

  • Un Centre Médico-Chirurgical :

+ 52 lits de moyens séjours qui passeront cette année à 74.
+ 40 lits de courts séjours qui passeront cette année à 20.
+ 10 lits d’hôpital de jour seront créés cette année.

Ce Centre Médico-Chirurgical a vocation à prendre en charge en particulier les blessés médullaires, les amputés et les cérébralisés. Il regroupe un service de Médecine Physique et de Réadaptation de 52 lits, un service de Chirurgie de 34 lits,  une unité sensivo-cognitive de 6 lits chargée d’évaluer les  troubles  cognitifs et/ou sensoriels qui peuvent être à l’origine d’une perte d’autonomie.

Un Centre d’Etude et de recherche sur l’appareillage des handicapés travaille sur les fauteuils roulants et la marche des sujets appareillés.

  • Les Personnels (CERAH) :

– 410 personnels sont employés à l’I.N.I.
– 33 personnels médicaux.
– 256 personnels para-médicaux.
– 121personnels administratifs.

  • Les Partenaires : 

– Association du foyer des Invalides : Créé après la première guerre mondiale et reconnue d’utilité publique en 1927 ; il regroupe un espace de vie, une boutique, une bibliothèque et organise des sorties récréatives et culturelles.
– Le Club Sportif de l’Institut National des Invalides  (C.S.I.N.I.) : Créé le 10 octobre 1966, il regroupe plus de 400 adhérents handisports dans plus d’une dizaine de disciplines. Il est agréé Jeunesse et Sports et est affilié auprès de la Fédération Sportive Handisport (F.F.H.) et de la Fédération des Clubs Sportifs et Artistiques de la Défense (F.C.S.A.D.).

 

L’église du Dôme, nécropole militaire

L’église du Dôme abrite, dans le puits central :

  • Le Tombeau de Napoléon :  Exhumé le 18 octobre 1840 de la vallée des géraniums (Sainte-Hélène) où il avait été enterré le 9 mai 1821, le cercueil de Napoléon, rapporté à bord de la frégate la Belle-Poule, arrive aux Invalides le 15 décembre 1840. D’abord exposé dans le chœur de l’église, il est ensuite déposé dans la chapelle Saint-Jérôme le 6 février 1841 et y restera le temps de la construction de la crypte centrale et du tombeau par Louis Visconti (1791 – 1853). Il sera placé dans la crypte le 2 avril 1861 en présence de Napoléon III.
  • Le Tombeau de l’Aiglon (1811 – 1832) : Mort le 22 juillet 1832 à Vienne, le duc de Reichstadt est enterré dans la crypte des capucins à Schoenbrünn. Son cercueil sera ramené aux Invalides le 14 décembre 1940. Exposé devant le maître-autel de l’église du Dôme, il est ensuite placé dans la chapelle Saint-Jérôme  avant d’être installé, le 18 décembre 1969,  au pied du tombeau de Napoléon dans la cella aménagée dans le pourtour de la crypte.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Dans les chapelles latérales (2 du transept et 4 dans les angles) : 

  • Turenne (1611 -1675) et Vauban (1633 – 1707)
  • La famille Bonaparte avec  Jérôme (1784 – 1860) et Joseph (1768 – 1844)
  • Foch (1851 -1929) et Lyautey (1854 – 1934)


De part et d’autre des portes de bronze qui donnent accès à l’escalier menant à la crypte  se trouvent :

  • Duroc (1772 – 1813)
  • Bertrand 1773 – 1844)


Dans le caveau :

  • Sont enterrés tous les Gouverneurs des Invalides décédés entre 1678 et 1973 ainsi que de  nombreux maréchaux et généraux. Le caveau renferme les restes de 93 personnes. 12 reposent également dans l’église du Dôme, et 16 sont dans son sous-sol. C’est donc un total de 121 personnes qui sont enterrées aux Invalides. Le 15 décembre 1992, pour répondre à son souhait, ce sont les restes du Baron Larrey qui ont été exhumés du cimetière du Père-Lachaise pour être transférés aux Invalides, dans le caveau des gouverneurs.


Le journaliste et écrivain Emile de la Bedollière (1812 – 1883), dans « Une visite aux Invalides dans la première moitié du XIXème siècle » dit : 
« Il est vrai que les Invalides doivent beaucoup à Napoléon, le plus grand fabricateur d’estropiés des temps modernes. Depuis son règne, ils sont traités comme des princes, et plus heureux que des princes, car ils sont à l’abri des révolutions. »

Liste des gouverneurs : 

  • François LEMACON D’ORMOY  ( 1675 – 1678 )
  • BLANCHARD de Saint-martin   ( 1678  – 1696 )
  • Nicolas des ROCHES D’ORANGE   (  1696 – 1705 )
  • Alexandre BOYVEAU   ( 1705 – 1728 )
  • Eugène de BEAUJEU   ( 1728 – 1730 )
  • Pierre de VISSEC DES GANGES  ( 1730 – 1738 )
  • De MARNAIS de SAINT-ANDRE   (1738 – 1742 )
  • Jean-Marie CORMIER  de la COURNEUVE   (1742 – 1753 )
  • D’AZEMAR de PONNAT de la SERRE   ( 1753 – 1766 )
  • Jean-Baptiste Joseph DAMARZIT de SAHUGUET,  baron d’ESPAGNAC   ( 1766 – 1783 )
  • De GUIBERT   ( 1783 – 1786 )
  • François- Charles VIREAU, marquis de SOMBREUIL   ( 1786 – 1793 )
  • Général BERRUYER   ; Commandant de 1793 à 1796
  • Maréchal SERURIER  ( 1804 – 1815 )
  • Maréchal de COIGNY   ( 1805 – 1821 )
  • Général de LATOUR – MAUBOURG   ( 1821 –1830 )
  • Maréchal JOURDAN   (1830 – 1833 )
  • Maréchal MONCEY   ( 1833 – 1842 )
  • Maréchal OUDINOT   ( 1842 – 1847 )
  • Maréchal MOLITOR   (  1847 – 1848 )
  • Jérôme BONAPARTE   ( 1848 – 1852 )
  • Général ARRIGHI   ( 1852 – 1853 )
  • Maréchal d’ORNANO   ( 1853 –1863 )
  • Général LAWOESTINE   ( 1863 –1870 )
  • Général de MARTIMPREY   ( 1870 –1871 )
  • Général SUMPT   ( 1871 – 1891 )
  • Général ARNOUX   (  1891 – 1902 )
  • Général NIOX   ( 1902 –1919 )
  • Général MALLETERRE   ( 1919 – 1923 )
  • Général MARIAUX   ( 1923 – 1944 )
  • Général PINON   ( 1944 )
  • Général RODES   ( 1944 – 1951 )
  • Général HOUDEMON   ( 1951 – 1960 )
  • Général KIENTZ   ( 1960 – 1962 )
  • Général MONCLAR   ( 1962 – 1964 )
  • Général de GRANCEY ( 1964 – 1973 )


Jean-Pierre Deconinck Médecin Général Délégué du Lyonnais

Sources :

Histoire de la Médecine aux Armées   Tomes 1 et 2, Lavauzelle
Hôtel National des Invalides, Musée de l’Armée
Revue de la Société des Amis du Musée de l’Armée : N° 133  Le dôme tricentenaire
Médecine, Chirurgie et Armée en France au siècle des lumières   Monique LUCENET
Revue du Souvenir Napoléonien  N° 462  décembre 2005 – janvier 2006
Dossier de présentation de l’Institut National des Invalides à l’occasion de la visite du Directeur Central du Service de Santé des Armées – Lundi 30 novembre 2009.
NAPOLEON et les Invalides : collections du Musée de l’Armée.

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